Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/6

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ARGUMENT.


Ce livre de la Constance du sage est une belle apologie du stoïcisme. Après avoir exalté les sectateurs de cette doctrine bien au dessus de tous les autres philosophes, et montré dans Caton le modèle du stoïcien, l’auteur avance ce paradoxe de l’école, que le sage ne peut recevoir aucun mal : il peut être frappé, mais non blessé ; il est inaccessible à l’injure comme à l’outrage ; et ici Sénèque annonce que, dans ce qui va suivre, il séparera l’injure de l’outrage (i-iv). Sur le premier point : l’injure est un mal qui ne tombe point sur le sage : il peut tout perdre sans recevoir aucun dommage, et la fortune ne saurait rien lui ravir, parce que tous les biens qu’il possède sont en lui. A ce propos, l’auteur cite l’exemple de Stilpon, dont il fait un modèle d’insensibilité plutôt que de sagesse (v-vii). Le fort n’a pas à craindre les attaques du faible, et la perversité ne peut avoir prise sur la vertu. L’exemple de Socrate injustement condamné, vient encore à l’appui de cette vérité (viii). Le sage, à qui personne ne peut nuire, est au dessus des services ; l’espoir n’a pas plus de pouvoir sur lui que la crainte (ix-x). Cette première série de raisonnements épuisée, Sénèque s’occupe de prouver que le sage n’est pas plus accessible aux affronts qu’au mal qu’on peut lui faire. Le mépris ne peut pas plus l’atteindre que l’injustice ou le malheur ; et que lui importe le mépris du méchant ? S’offense-t-on des insultes d’un enfant ou des sottises d’un esclave formé au métier de bouffon ? Mais quoi ! est-ce un motif pour que le sage ne réprime pas les offenses ? Il les réprime, mais comme on corrige les enfants, sans colère, et non pour se venger. Semblable au médecin, qui jamais ne se fâche contre un malade en délire, le sage est dans la même disposition pour tous les hommes qui, étrangers aux préceptes de la philosophie, sont, à ses yeux, des malades de l’âme. Il ne s’émeut donc point des affronts, de quelque part qu’ils viennent, soit des pauvres, soit des riches, soit enfin d’une femme. Ici, Sénèque trace le tableau d’une femme vivant dans l’opulence, la vanité et la dissipation ; et ce portrait pourrait bien être une allu-