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LIVRE I.

simultanés, l’un est produit par le soleil et l’autre par l'image. Ainsi plusieurs miroirs opposés les uns aux autres nous offrent tous des images dont une seule pourtant reproduit l’objet réel ; les autres ne sont que des copies de ces images. Peu importe en effet ce qu’on met en présence du miroir ; il répète tout ce qu’on lui montre. De même, dans la haute région de l’air, lorsque le hasard dispose deux nuages de telle sorte qu’ils se regardent l’un l’autre, celui-ci reflète l’image du soleil, celui-là l’image de l’image. Mais il faut, pour produire cet effet, des nuages denses, lisses, brillants, d’une nature analogue à celle du soleil. Tous ces météores sont de couleur blanche et ressemblent au disque de la lune, parce qu’ils reluisent des rayons que le soleil leur darde obliquement. Si le nuage est près de l’astre et au-dessous, la chaleur le dissipe ; s’il est trop loin, il ne renvoie pas les rayons, et l’image n’est pas produite. Il en est de même de nos miroirs : trop éloignés, ils ne nous rendent pas nos traits, le rayon visuel n’ayant plus la force de répercussion. Ces soleils, pour parler comme les historiens, annoncent aussi la pluie, surtout s’ils paraissent au midi, d’où viennent les nuages les plus gros et les plus chargés. Quand ils se montrent à droite et à gauche du soleil, si l’on en croit Aratus, une tempête va surgir.

XIV. Il est temps de passer en revue les autres météores, si variés dans leurs formes. Ou ce sont des étoiles qui brillent soudainement, ou des flammes ardentes, les unes fixes et stationnaires, les autres qui roulent dans l’espace. On en remarque de plusieurs genres. Les bothynes sont des cavités ignées du ciel, entourées intérieurement d’une espèce de couronne, et semblables à l’entrée d’une caverne circulaire. Les pithies ont la forme d’un immense tonneau de feu, tantôt mobile, tantôt se consumant sur place. On appelle chasmata ces flammes que le ciel en s’entr’ouvrant laisse apercevoir dans ses profondeurs. Les couleurs de ces feux sont aussi variées que leurs formes. C’est, par exemple, un rouge des plus vifs, ou une flamme légère prompte à s’évanouir ; quelquefois une lumière blanchâtre, quelquefois un éclat éblouissant, d’autres fois une lueur jaunâtre et uniforme qui ne scintille ni ne rayonne. Ainsi nous voyons

Fuir en longs traits d’argent l’étoile pâlissante[1].


Ces prétendues étoiles s’élancent, traversent le ciel, et semblent,

  1. Georg., I, 367.