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LIVRE II.

rend l’inflammation plus prompte. Le mode de formation est le même pour l’éclair, qui ne fait que luire, et pour la foudre, qui porte coup ; seulement l’éclair a moins de force, il est moins nourri ; enfin, pour dire en deux mots ma pensée, la foudre, c’est l’éclair avec plus d’intensité. Lors donc que les éléments chauds et fumeux, émanés de la terre, se sont absorbés dans les nuages et ont longtemps roulé dans leur sein, ils finissent par s’échapper ; et, s’ils manquent de force, ils ne donnent qu’une simple lumière ; mais si l’éclair a trouvé plus d’aliments, s’il s’enflamme avec plus de violence, ce n’est point un feu qui apparaît, c’est la foudre qui tombe.

LVIII. Quelques auteurs sont persuadés qu’après sa chute elle remonte ; d’autres, qu’elle reste sur le sol quand surchargée d’aliments elle n’a pu porter qu’un faible coup. Mais d’où vient que la foudre apparaît si brusquement, et que son feu n’est pas plus durable et plus continu ? Paroe que c’est la chose du monde la plus rapide qui est en mouvement ; c’est tout d’un trait qu’elle brise les nues et enflamme l’atmosphère. Puis la flamme s’éteint en même temps que le mouvement cesse : car l’air ne forme pas des courants assez suivis pour que l’incendie se propage ; et une fois allumé par la violence même de ses mouvements, il ne fait d’effort que pour s’échapper. Dès qu’il a pu fuir et que la lutte a cessé, la même impulsion tantôt le pousse jusqu’à terre, tantôt le dissémine, selon que la force de dépression est plus ou moins grande. Pourquoi la foudre se dirige-t-elle obliquement ? Parce qu’elle se forme d’un courant d’air, et que ce courant suit une ligne oblique et tortueuse ; or, comme la tendance naturelle du feu est de monter, quand quelque obstacle l’abaisse et le comprime, il prend l’inclinaison oblique. Quelquefois ces deux tendances luttent sans céder l’une à l’autre, et tour à tour le feu s’élève et redescend. Enfin, pourquoi la cime des montagnes est-elle si souvent foudroyée ? C’est qu’elle avoisine les nuages, et que dans sa chute le feu du ciel doit les rencontrer.

LIX. Je vois d’ici ce que tu désires dès longtemps et avec impatience. « Je tiendrais plus, dis-tu, à ne pas redouter la foudre qu’à la bien connaître. Enseigne à d’autres comment elle se forme. Ôte-moi les craintes qu’elle m’inspire, avant de m’expliquer sa nature. » Je viens à ton appel ; car à tout ce qu’on fait ou dit doit se mêler quelque utile leçon. Quand nous sondons les secrets de la nature, quand nous traitons des choses divines, songeons à notre âme pour l’affranchir de ses faiblesses