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LETTRES DE SÉNÈQUE

Voilà comment je cherche à consoler noire ami Libéralis qui porte à sa patrie un si ardent amour : peut-être n’a-t-elle été consumée que pour sortir plus brillante de ses cendres. Souvent les outrages de la fortune ne sont que les préludes de sa faveur : beaucoup de villes ont été détruites, et se sont relevées plus vastes et plus brillantes. Timagène, ennemi du bonheur de Rome, disait que ce qui l’affligeait lorsqu’il voyait Rome en proie à un incendie, c’était que les édifices allaient être rebâtis avec plus de somptuosité. Il est vrai de dire que dans l’état même où est notre ville aujourd’hui, s’il lui arrivait un malheur, tous les citoyens se disputeraient la gloire de réparer ses pertes. Plaise à Dieu que Lyon, rebâtie sous de meilleurs auspices, dure bien plus longtemps ! Cette colonie n’était qu’à la centième année de sa fondation, terme qui n’est pas même le plus long de la vie humaine. Fondée par Plancus, l’avantage de sa situation l’avait rendue très-peuplée ; et c’est au terme de la vieillesse humaine qu’elle subit le sort le plus affreux !

Que l’homme donc s’habitue à connaître et à supporter les coups du sort ; qu’il sache que le hasard peut tout faire ; que la fortune a des droits sur les États, et sur ceux qui les gouvernent ; le même pouvoir sur les villes que sur les habitants. Il ne faut pas nous récrier ; nous sommes entrés dans un monde où l’on ne vit qu’à cette condition. Si cela te convient, obéis ; si cela ne te convient pas, sors de cette vie comme tu voudras. Si cette loi avait été établie pour toi seul, tu aurais raison de t’en indigner ; mais si cette même nécessité enchaîne grands et petits, si le destin veut que tout périsse, cesse tes