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A LUCILIUS. — XCI.

placée au milieu de nos provinces, dont elle était l’ornement, mais séparéq d’elles par ses privilèges : une ville située sur le sommet d’une montagne peu élevée : eh bien ! ces cités dont on vante aujourd’hui la magnificence et la grandeur, le temps en effacera jusqu’aux moindres vestiges. Ne savons-nous pas que les villes les plus célèbres de l’Achaïe ont été entièrement consumées, et qu’il ne reste plus rien qui puisse attester qu’elles ont existé ?

Ce ne sont pas seulement les ouvrages des hommes, mais les œuvres de l’industrie et de l’art, que le temps détruit : les sommets même des montagnes s’affaissent, des contrées entières disparaissent ; et maintenant les flots recouvrent des terres autrefois éloignées du rivage. Le feu a ravagé ces collines où naguère il brillait ; il a dévoré ces montagnes, ces sommets élevés, consolation du matelot. Tous les ouvrages de la nature périssent ; ainsi, nous devons supporter avec résignation la ruine d’une ville.

Oui, tout ce qui existe doit périr ; le néant est réservé à tous les êtres : soit qu’une force intérieure, l’impétuosité d’un vent renfermé renversent la base qui les soutenait ; soit que des torrents cachés brisent les obstacles qui s’opposaient à leur cours ; soit qu’un incendie furieux ravage une partie du sol ; soit que le temps, à qui rien ne peut résister, mine sourdement ; soit enfin que Ja rigueur du climat chasse les peuples, ou que la contagion rende leurs demeures désertes. Il serait long d’énumérer les causes de destruction : ce que je sais, c’est que tous les ouvrages des mortels sont condamnés au néant : nous ne vivons qu’au milieu de choses qui doivent périr.