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LETTRES DE SÉNÈQUE

la faim, la soif, la vieillesse, et si tu restes longtemps sur cette terre, les infirmités, la perte successive de tes facultés, enfin la mort.

Gardez-vous pourtant de croire cette foule qui s’agite autour de vous. De tous les maux, il n’y en a pas un qui soit intolérable ou trop cruel. Ils s’accordent à craindre la mort, et vous, vous la craignez sur parole. Quoi de plus insensé que de craindre des mots ? Notre ami Démétrius disait avec esprit : Je regarde les discours des ignorants comme les vents qui s’échappent de leurs entrailles ; et peu m’importe si le son vient d’en haut ou d’en bas.

Quelle folie de craindre d’être diffamé par des gens mal famés ! Vous avez sans raison redouté la renommée ; avec aussi peu de fondement vous avez craint des événements que vous ne craindriez pas si la renommée ne vous y eût forcé. Quel tort peuvent faire à l’homme de bien les mauvais bruits ? qu’ils n’en fassent pas davantage à la mort, dans notre esprit ! La mort, on en parle mal aussi ; mais pas un de ceux qui l’accusent n’en a fait l’épreuve : c’est une grande témérité, que de condamner ce qu’on ne connaît pas. Mais ce que nous savons, c’est à combien de personnes elle est utile, combien elle en délivre des tourments, de la pauvreté, des plaintes, des supplices, de l’ennui !

Nous ne sommes donc au pouvoir de personne, puisque la mort est en notre pouvoir.