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A LUCILIUS. — XCII.

l’homme ; car l’homme est, de sa nature, une créature amie de la propreté et de l’élégance. Ainsi le vêtement propre n’est pas en lui-même un bien, c’est la préférence qu’on donne ail vêtement propre, parce que le bien n’est pas dans la chose, mais dans le choix. Ce sont nos actions, qui sont honnêtes, et non la matière de nos actions. Ce que j’ai dit du vêtement, pensez que je le dis du corps ; c’est une espèce de vêtement dont la nature a enveloppé l’âme. Qui s’est jamais avisé de fixer le le prix des vêtements d’après la valeur du coffre qui les contient ? Le fourreau ne rend l’épée ni meilleure, ni plus mauvaise.

Je vous en dis autant du corps. Si l’on me donne le choix, je prendrai de préférence la force et la santé ; mais le bien qui en résultera sera dans mon jugement, et non dans les choses mêmes.

« Il est vrai, me dira cet autre, le sage est heureux ; mais il ne peut parvenir au bonheur parfait, si les organes et les facultés de la nature lui manquent. Ainsi l’homme vertueux ne saurait être misérable ; mais il n’est point parfaitement heureux s’il est dépourvu des avantages physiques, tels que la santé et l’usage complet de ses membres. » — Vous accordez ce qui semble le plus incroyable, et vous dites qu’au milieu de douleurs extrêmes et continues, un homme n’est pas malheureux, que même il est heureux ; et vous vous tenez à cette restriction légère qui suppose qu’il ne peut être parfaitement heureux. Or, si la vertu peut empêcher un homme d’être misérable, elle trouvera plus facile encore de le rendre parfaitement heureux : car l’intervalle est moindre entre le bonheur et le parfait