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LETTRES DE SÉNÈQUE

A cette Scylla toutefois sont seulement accouplés des animaux féroces, horribles et agiles. Mais de quels monstrueux éléments ces philosophes ont-ils composé la sagesse ? « La partie supérieure de l’homme, c’est la vertu à laquelle se joint une chair vile et périssable, uniquement capable de recevoir des aliments, » comme dit Posidonius. Cette vertu divine se termine par la volupté : à son buste sacré, céleste, est annexé un animal inerte et languissant.

Quant à ce repos dont parlent les Épicuriens, quelque profond qu’il puisse être, sans rien ajouter aux forces de l’âme, il écarte du moins les obstacles qui peuvent lui nuire, tandis que, par sa nature, le plaisir détruit, énerve toute vigueur. Où trouver le moyen d’unir l’un à l’autre des corps si mal assortis entre eux ? on veut à ce qu’il y a de plus énergique allier ce qu’il y a de plus inerte, à ce qu’il y a de plus frivole ce qu’il y a de plus austère, et à ce qu’il y a de plus chaste les plus honteux dérèglements.

Eh quoi ! dit-on, si la vertu ne trouve aucun obstacle dans la bonne santé, dans le repos, dans l’absence de la douleur, ne rechercherez-vous pas ces biens ? — Je les rechercherai, non qu’ils soient bons en eux-mêmes, mais parce qu’ils sont conformes à la nature, et parce que je les accepte avec discernement. Qu’y trouverai-je alors de bon ? rien que la sagesse de mon choix. Car, lorsque je mets un vêtement convenable, lorsque je fais autant d’exercice qu’il m’en faut, lorsque je prends un repas suffisant, ce n’est ni le repas, ni la promenade, ni le vêtement qui sont des biens ; mais seulement le discernement avec lequel je me conforme en toutes choses à la raison. Je poursuis : Le choix d’un vêtement propre est désirable pour