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LETTRES DE SÉNÈQUE

teindre. » — La raison est commune aux hommes et aux dieux ; seulement chez les dieux elle est parfaite ; en nous, elle est susceptible de perfection. Mais nos vices nous font désespérer d’y parvenir. Quant à cet autre homme qui vient au second rang, comme n’ayant pas assez de fermeté pour se maintenir dans l’état de perfection, cet homme dont le jugement estencore peu sûr et sujet à faillir, ila besoin des sensations de la vue et de l’ouïe, d’une bonne santé, d’un extérieur qui ne soit pas disgracieux, d’un corps sain, enfin, d’une longue vie, durant laquelle il puisse accomplir quelques actions dont il n’ait point à se repentir. Chez l’homme imparfait, il existe une certaine puissance de méchanceté dans la mobilité de son âme ; celte perversité prédominante le porte vers le mal ; car cet état d’agitation éloigne l’âme delà vertu : un tel homme n’est pas encore vertueux, mais il se forme à la vertu ; or qui n’est pas complètement bon, est vicieux.

« Mais celui qui possède la vertu et un cœur d’une constance inébranlable, »

voilà l’homme égal aux dieux ; il tend là où le rappelle le souvenir de son origine. On ne peut trouver mauvais qu’il s’efforce de remonter au lieu d’où il est descendu. Et pourquoi ne pas supposer quelque chose de divin dans un être qui est une portion de la Divinité ? Cet univers, qui nous embrasse, n’est qu’une seule chose, et cette chose est Dieu. Nous en sommes les compagnons, nous en sommes les membres. Notre âme est susceptible de comprendre toutes choses ; elle pourrait s’élever jusqu’au ciel, si les vices ne la rabaissaient point. La nature nous a donné une taille droite, une tête élevée vers