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LETTRES DE SÉNÈQUE

mobile que la terre, et que tout le reste du monde est soumis à l’entraînement d’une continuelle vitesse. Nous savons pourquoi la lune achève plus tôt son cours que le soleil ; pourquoi, avec une marche moins rapide, elle laisse derrière elle un corps qui se meut plus promptement ; comment elle reçoit la lumière et comment elle la perd ; enfin ce qui nous amène la nuit et ce qui nous ramène le jour. 11 ne s’agit donc plus que d’aller en un lieu où de plus près vous verrez ce grand spectacle. — Et, dit le sage, ce n’est pas même cette espérance de voir s’ouvrir pour moi un chemin vers les dieux, qui me fait sortir du monde avec plus de constance. J’avais mérité d’être reçu en leur compagnie, et déjà j’ai conversé avec eux ; j’ai fait monter mon âme jusqu’à eux, et ils ont fait descendre la leur jusqu’à moi. Supposons toutefois que je périsse entièrement, et, qu’après la mort, il ne reste plus rien de l’homme, je n’en ai pas moins de résolution pour entreprendre un voyage qui n’aboutit à rien.

Il n’a pas vécu autant d’années qu’il pouvait. — Eh bien ! ne se trouve-t-il pas des livres fort courts, qui n’en sont pas moins estimables et utiles ? Vous savez combien les Annales de Tanusius sont assommantes, et comment on les appelle. Il est des gens dont la vie est longue, et mérite d’être comparée aux Annales de Tanusius. Estimez-vous plus heureux pour le gladiateur d’être tué au milieu qu’à la fin d’une fête publique ? croyez-vous que, parmi cette classe d’hommes, il y en ait d’assez follement amoureux de la vie, pour aimer mieux avoir la gorge coupée dans le spoliaire que dans l’arène ? C’est à peu près à la même distance que nous nous devançons les uns les autres. La mort se jette indifféremment sur tous. Celui qui tue suit de près celui qu’il a tué. C’est pour un moment que