Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/301

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des méprises. De la licence naît la témérité, de la contrainte l’affaissement moral ; les éloges relèvent un jeune cœur, et le font bien présumer de ses forces ; mais ces mêmes éloges engendrent l’arrogance et l’irritabilité. Voilà deux routes opposées : que faire ? Tenir le milieu de manière à user tantôt du frein, tantôt de l’aiguillon, et n’imposer à l’enfant rien d’humiliant ni de servile ; qu’il n’ait jamais besoin de demander avec supplication ; s’il le fait, que ce soit toujours sans fruit. N’accordons rien qu’à ses mérites présents, à sa conduite passée, à ses promesses d’être meilleur à l’avenir. Dans ses luttes avec ses camarades, ne permettons pas qu’il se laisse vaincre ou qu’il se mette en colère, mais tâchons qu’il devienne l’ami de ses rivaux de tous les jours, afin que dans ces combats il s’accoutume à vouloir vaincre et non pas nuire. Toutes les fois qu’il l’aura emporté sur eux ou qu’il aura fait quelque chose de louable, passons-lui une juste fierté, et n’en réprimons que les trop vifs élans : de la trop grande joie naît une sorte d’ivresse qui, à son tour, produit la morgue et la présomption. Accordons-lui quelque délassement ; mais qu’il ne s’énerve pas dans le désœuvrement et l’inaction, et retenons-le loin du souffle impur des voluptés. Car rien ne dispose à la colère comme une éducation molle et complaisante ; et voilà pourquoi, plus on a d’indulgence pour un fils unique, ou plus on lâche la bride à un pupille, plus on gâte leurs bonnes qualités. Souffrira-t-il une offense, celui qui n’a jamais éprouvé un refus, celui dont une mère empressée a toujours essuyé les larmes, à qui toujours on a donné raison contre son gouverneur ? Ne voyez-vous pas que les plus grandes fortunes sont toujours accompagnées des plus grandes colères ? C’est chez