Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/302

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les riches, les nobles, les magistrats qu’elle éclate davantage, là où tout ce qu’il y a de vain dans le cœur de l’homme se gonfle au vent de la prospérité. La prospérité est la nourrice de la colère, parce que ses superbes oreilles sont assiégées de mille voix approbatrices qui lui crient : « Qu’elle ne se mesure pas à sa dignité, qu’elle se manque à elle-même, » et d’autres adulations auxquelles résisteraient à peine les esprits les plus sains et les mieux affermis dans leurs principes de sagesse.

Ayons donc grand soin d’écarter de l’enfant la flatterie ; qu’il entende la vérité ; qu’il connaisse quelquefois la crainte, toujours le respect, et qu’il n’oublie jamais la déférence due à l’âge ; qu’il n’obtienne rien par l’emportement ; ce que nous refusons à ses larmes, offrons-le-lui quand il sera calmé. Qu’il ne voie l’opulence paternelle qu’en perspective, et sans disposer de rien ; que le reproche suive toute mauvaise action de sa part.

XXII. Il est essentiel de choisir à l’enfance des précepteurs et des pédagogues d’un caractère doux. La plante encore tendre s’attache aux objets les plus proches, et grandit en se modelant sur eux. Les habitudes de l’adolescence nous viennent de nos nourrices et de nos premiers maîtres. Un enfant élevé chez Platon, et revenu dans sa famille, était témoin des cris de fureur de son père. « Je n’ai jamais vu cela chez Platon, » se prit-il à dire. Je ne doute pas que cet enfant n’eût été plus prompt à suivre l’exemple de son père que celui de Platon.

Qu’avant tout la nourriture de l’enfant soit frugale, ses vêtements simples et semblables en tout à ceux de ses camarades. Plus tard, il ne s’indignera pas qu’on le compare à d’autres, si vous le faites d’abord l’égal du grand nombre.