Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/311

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Il vous pousse ainsi dans la lutte à laquelle lui-même se dérobe. Ne vouloir rien dire que clandestinement, c’est à la fois dire et se rétracter. Mais un ami croire à des rapports secrets, et rompre publiquement, quoi de plus injuste ?

XXX. Sommes-nous témoins de la chose qui nous blesse, examinons le caractère et l’intention de son auteur. C’est un enfant ? excusons son âge : il ignore s’il fait mal. Un père ? ou ses bienfaits sont assez grands pour lui avoir acquis même le droit d’offense, ou ce que nous prenons pour offense est de sa part un nouveau service. Une femme ? elle se trompe. C’est un homme qui y a été contraint ? qui pourrait, sans être injuste, se soulever contre la nécessité ? vous l’aviez lésé le premier ? les représailles ne sont plus des injures. C’est votre juge ? soumettez votre sentence à la sienne. Votre roi ? s’il punit en vous un coupable, courbez-vous devant sa justice ; innocent, cédez à la force. C’est un être sans intelligence, ou peut-être un animal ? vous descendez à son niveau en perdant votre sang-froid. C’est une maladie, une calamité ? elle passera plus légère, si vous la supportez en homme. Ce sont les dieux ? on perd sa peine à s’irriter contre eux, tout comme à appeler leur courroux sur d’autres. C’est un homme de bien qui vous a fait injure ? n’en croyez rien ; un méchant enfin ? n’en soyez pas surpris. Quelque autre lui fera payer sa dette envers vous ; il s’est déjà puni lui-même par le mal qu’il a fait.

Deux causes, ai-je dit, font naître la colère : d’abord on se croit outragé : j’ai suffisamment traité ce point ; puis outragé injustement : c’est de quoi je vais parler encore. On appelle injustice, un traitement qu’on ne croyait pas mériter de souffrir, ou auquel l’on ne s’attendait pas. Tout mal imprévu