Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

XXXII. « Mais la colère a ses charmes : il est doux de rendre le mal pour le mal. » Je le nie. S’il est beau de répondre à un bienfait par un autre, il ne l’est pas de renvoyer injure pour injure. Il faut, dans le premier cas, rougir de sa défaite, et dans le second, de sa victoire.

La vengeance ! mot qui n’est pas de l’homme, et qu’on fait pourtant synonyme de justice. Elle ne diffère de la provocation que par l’ordre des temps. Se venger, fût-ce modérément, c’est nuire seulement avec un peu plus de droit à l’excuse.

Un homme avait, aux bains publics, frappé Marcus Caton par mégarde et sans le connaître (car qui aurait pu sciemment insulter ce grand homme ?). Comme il s’excusait : « Je ne me souviens pas d’avoir été frappé, dit Caton. » Il pensa qu’il valait mieux ne pas s’apercevoir de l’injure que la venger. « Comment donc ! aucun mal n’est résulté d’une telle inconvenance ? » Beaucoup de bien, au contraire : elle procura à l’offenseur l’avantage de connaître Caton. Il est d’une grande âme de dédaigner les injures. La vengeance la plus accablante est de ne pas juger l’agresseur digne de courroux. Combien, pour avoir voulu raison d’une légère offense, n’ont fait que creuser leur blessure ! Soyez plus fiers, plus généreux ; imitons le roi des animaux ; que les aboiements d’une meute impuissante frappent nos oreilles sans nous émouvoir. Vous dites : « La vengeance nous fait respecter ! » Si vous l’employez comme remède, n’y joignez pas la colère ; n’y voyez pas une jouissance, mais un acte utile. D’ailleurs souvent mieux vaut dévorer son dépit que se venger.

XXXIII. Il faut souffrir avec patience, avec sérénité même les injures des hommes puissants. Ils redoubleront leurs at-