Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/334

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IX. L’homme irascible doit encore s’interdire les études trop sérieuses, ou du moins ne pas s’y livrer jusqu’à la fatigue, ne point partager son esprit entre trop d’occupations, mais le tourner aux arts d’agrément. Que la lecture des poètes, que les récits de l’histoire le charment et l’intéressent ; qu’il se traite avec douceur et ménagement. Pythagore apaisait, aux sons de la lyre, les troubles de son âme ; personne au contraire n’ignore à quel point nous aiguillonnent les accents du clairon et de la trompette, de même que certains chants sont à nos âmes un charme qui sait les calmer. Comme le vert convient aux yeux troubles, et comme il est des couleurs qui reposent une vue fatiguée, tandis que d’autres plus vives la blessent, ainsi des occupations gaies soulagent un esprit malade.

Fuyons les tribunaux, les procès, les plaidoiries, tout ce qui peut ulcérer notre mal. Évitons aussi les fatigues du corps ; elles absorbent ce qu’il y a en nous d’éléments doux et calmes, et soulèvent les principes d’âcreté. Aussi les gens qui se défient de leur estomac, avant de rien entreprendre d’important et de difficile, tempèrent, par quelque nourriture, leur bile qu’échauffe surtout la lassitude, soit que le vide de l’estomac y concentre la chaleur, enflamme le sang et en arrête le cours dans les veines affaissées, soit que l’épuisement et la débilité du corps appesantissent l’âme. Quoi qu’il en soit, c’est de la même cause que vient l’irritabilité dans l’affaiblissement de l’âge ou de la maladie : c’est pour cela aussi que la faim et la soif sont à craindre ; elles enflamment et aigrissent nos esprits.

X. Un vieux proverbe dit : « Gens fatigués sont querel-