Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/335

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs ; » on peut l’étendre à tous ceux que tourmente la soif, la faim ou tout autre besoin. Leur âme devient comme ces plaies que fait souffrir le plus léger contact, et même l’idée seule qu’on les touche ; un rien les offense ; un salut, une lettre, un discours, une simple question sera pour eux un sujet de querelle. On ne touche pas une plaie sans provoquer une plainte. Le mieux est donc d’appliquer le remède dès le premier symptôme du mal, de ne laisser à notre langue que le moins de liberté possible, et d’en modérer l’intempérance. Or, il est facile de surprendre l’instant où naît la passion ; les "maladies ont leurs pronostics ; et, de même que les pluies et les tempêtes s’annoncent par des signes précurseurs, ainsi la colère, l’amour, toutes ces tourmentes qui assaillent nos âmes grondent avant d’éclater. Les personnes sujettes au mal caduc pressentent l’approche de leurs accès quand la chaleur se retire des extrémités, quand leur vue se trouble, que leurs nerfs se contractent, que leur mémoire échappe, que le vertige les prend. Aussi tout d’abord ont-elles recours aux préservatifs ordinaires ; elles cherchent à neutraliser, en sentant et en mâchant certaines substances, la cause mystérieuse qui les arrache à elles-mêmes:elles combattent, par des fomentations le froid qui raidit leurs membres ; ou, si ces remèdes sont impuissants, du moins elles ont pu fuir les regards et tomber sans témoin dans leur accès.

Il est bon de connaître son mal, et d’en arrêter les progrès avant qu’ils ne s’étendent au loin. Cherchons quelle est en nous la fibre la plus irritable. Tel est plus sensible aux injures, et tel, aux mauvais traitements; celui-ci veut qu’on tienne compte de sa noblesse, et celui-là, de sa beauté. Il en est qui se