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LETTRES DE SÉNÈQUE

et cependant chacun veut des préceptes à part. Or, les lois de la philosophie sont brèves et embrassent tout. Ajoutez maintenant que les préceptes du sage doivent être précis et positifs ; ce qui ne peut se définir est en dehors de la philosophe, qui connaît les limites propres à chaque objet. Il faut donc écarter cette philosophie qui consiste en préceptes, parce quelle ne peut donner à tous ce qu’elle promet à quelques-uns ; or, la sagesse s’adresse à tous les hommes. Entre la folie publique et celte aliénation mentale que l’on confie auxsoinsdes médecinsy la seule différence, c’est que cette dernière a pour principe la maladie, l’autre les préjugés. Dans le premier cas, la démence est causée par le dérangement des organes ; dans le second, il y a maladie de l’esprit. Celui qui s’aviserait de donner à un homme en démence des préceptes sur la manière de parler, de marcher, de se conduire, soit en public, soit en particulier, serait assurément plus fou que celui qu’il voudrait morigéner. C’est la bile noire qu’il faut guérir, c’est la cause de la folie qu’il faut chasser. Le même procédé doit être appliqué à cette autre folie de l’esprit, il faut commencer par la dissiper ; autrement, vos avis ne seront qu’un vain son qui frappera l’air.

Voilà les objections que fait Ariston. — Nous lui répondrons article par article ; et nous réfuterons d’abord son argument tiré de la comparaison d’un objet qui, placé devant l’œil et empêchant la vision, doit être écarté. J’avoue que l’homme dans ce cas n’a pas besoin de préceptes pour voir, mais d’un remède qui lui éclaircisse la vue et qui la dégage du corps étranger qui empêche son action. Voir est pour nous un avantage naturel : on nous en rend l’usage en écartant l’obstacle qui nous empêche de voir. Mais ce qui constitue chaque devoir, la