Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/352

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bouche en bouche d’autant plus vite qu’il est plus hardi. Souvent Auguste l’avait averti de modérer sa langue : comme il persistait, l’entrée du palais lui fut interdite. Timagène, depuis lors, n’en vieillit pas moins dans la maison d’Asinius Pollion ; toutes les sociétés de Rome se l’arrachèrent, et l’exclusion du palais impérial ne lui ferma aucune autre porte. Plus tard, il lut et brûla ses histoires manuscrites, sans faire grâce à ses mémoires sur la vie d’Auguste. Il se déclara l’ennemi de l’empereur, et nul ne redouta son amitié, nul ne fuit en sa personne les foudres de la disgrâce : il se trouva un citoyen qui lui tendit les bras quand il tombait de si haut. Rien de tout cela ne mit à bout la patience du prince, rien ne l’émut, pas même l’audace qui avait détruit son éloge et son histoire. Jamais il ne fit de reproches à l’hôte de son ennemi ; il ne lui dit que ces mots : Vous nourrissez un serpent. Il interrompit même un jour ses excuses : « Jouis, mon cher Pollion, jouis de ton hospitalité. » Et comme Pollion offrait, au premier ordre de César, de fermer sa maison à Timagène, « Croyez-vous que je puisse le vouloir, reprit Auguste, moi qui vous ai réconciliés tous deux ? » En effet, Pollion avait été brouillé avec Timagène, et son seul motif, pour le reprendre, fut que César l’avait quitté.

XXIV. Que chacun donc se dise, toutes les fois qu’on l’offense : Suis-je plus puissant que Philippe ? on l’a pourtant outragé impunément. Ai-je plus d’autorité dans ma maison que le divin Auguste n’en avait sur le monde entier ? Auguste se contenta de ne plus voir son détracteur. Et je me croirais en droit de punir du fouet ou des fers une réponse trop libre de