Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/354

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d’excès de vin. On s’est emporté contre nous ? Laissons à l’offenseur le temps de se reconnaître : il se corrigera lui-même ; il n’échappera pas au châtiment : qu’est-il besoin d’entrer en compte avec lui ? N’est-il pas vrai que nous voyons dans une sphère à part et au-dessus du vulgaire l’homme qui répond aux attaques par le mépris ? C’est le propre de la vraie grandeur de ne pas se sentir frappé. Ainsi aux aboiements d’une meute importune, le lion tourne lentement la tête ; ainsi un immense rocher brave les assauts de la vague impuissante. Qui ne ressent point la colère demeure inébranlable à l’injure ; jure ; qui la ressent montre qu’il est ému. Mais l’âme que je viens de montrer supérieure à toutes les disgrâces, embrasse comme d’une étreinte invincible le souverain bien ; elle répond à l’homme, et à la fortune même : Quoi que tu fasses, tu es trop faible pour troubler ma sérénité. La raison me défend de te céder, et je lui ai livré la conduite de ma vie. Le ressentiment me nuirait plus que l’injure. Et, en effet, je sais jusqu’où va l’une ; mais l’autre, où m’entraînerait-elle ? je l’ignore.

XXVI. « Je ne puis, dites-vous, supporter l’injure. C’est pour moi trop pénible. » Mensonge que cela : quel homme ne pourrait supporter une injure, quand il supporte la colère ? Que dis-je ? vous vous arrangez de manière à souffrir l’une et l’autre. Pourquoi tolérez-vous les emportements d’un malade, les propos d’un frénétique, les coups d’un enfant ? C’est qu’ils vous paraissent ne savoir ce qu’ils font. Or, qu’importe quel genre de faiblesse aveugle l’homme qui vous attaque ? L’aveuglement commun doit être l’excuse de tous. « Quoi