Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/365

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jour lui demander compte de ses œuvres. Ainsi faisait Sextius : à la fin du jour, recueilli dans sa couche, il interrogeait son âme : « De quel défaut t’es-tu purgée aujourd’hui ? quel mauvais penchant as-tu surmonté ? en quoi es-tu devenue meilleure ? » La colère cessera, ou du moins se modérera, si elle sait que tous les jours elle doit paraître devant son juge. Quoi de plus beau que cette coutume de faire l’enquête de toute sa journée ! quel sommeil que celui qui succède à cet examen ! qu’il est libre, calme et profond lorsque l’âme a reçu sa portion d’éloge ou de blâme, et que, censeur de sa propre conduite, elle a informé secrètement contre elle-même. Telle est ma règle : chaque jour je me cite à mon tribunal. Dès que la lumière a disparu de mon appartement, et que ma femme, qui sait mon usage, respecte mon silence par le sien, je commente l’inspection de ma journée entière, et reviens, pour les peser, sur mes discours, comme sur mes actes. Je ne me déguise ni ne me passe rien ; pourquoi en effet craindrais-je d’envisager une seule de mes fautes, quand je puis dire : Tâche de n’y pas retomber ; pour le présent, je te fais grâce ? Tu as mis de l’âpreté dans telle discussion ; fuis désormais les luttes de paroles avec l’ignorance ; elle ne veut point apprendre, parce qu’elle n’a jamais appris. Tu as donné tel avertissement plus librement qu’il ne convenait, et tu n’as pas corrigé, mais choqué. Prends garde une autre fois moins à la justesse de tes avis, qu’à la disposition où est celui à qui tu t’adresses de souffrir la vérité.

XXXVII. L’homme de bien aime qu’on le reprenne ; mais les plus dignes de censure sont ceux qu’elle effarouche le plus.