Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/366

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Si quelques saillies, quelques traits, lancés dans un festin pour te piquer au vif, ont en effet porté coup, souviens-toi d’éviter ces repas où se trouvent des gens de toute espèce. L’insolence perd toute retenue après le vin ; l’homme sobre même oublie la sienne. Tu as vu ton ami s’indigner contre le portier de je ne sais quel avocat, de je ne sais quel riche pour n’avoir pas été reçu, et toi-même as pris feu pour lui contre le dernier des esclaves. Te fâcheras-tu donc aussi contre le dogue enchaîné dans sa loge ? Encore cet animal, après avoir bien aboyé, s’apaise au morceau qu’on lui jette. Retire-toi, et ne fais qu’en rire. Ce misérable se croit quelque chose ; parce qu’il garde un seuil qu’assiége la foule des plaideurs ; et son maître, qui repose au dedans, heureux et fortuné, regarde comme un signe de bonheur et de puissance d’avoir une porte difficile à franchir. Il ne songe pas que celle d’une prison l’est bien plus. Attends-toi à essuyer des contrariétés sans nombre. Est-on surpris d’avoir froid en hiver ; d’éprouver en mer des nausées, en voyage des cahots ? L’âme est forte contre les disgrâces quand elle y arrive préparée. On ne t’a pas donné à table la place d’honneur, et te voilà outré contre l’hôte, contre l’esclave qui fait l’appel des convives et contre le préféré. Insensé ! que t’importe la partie du lit que presse ton corps ? Ton plus ou moins de mérite dépend-il d’un coussin ? Tu as vu de mauvais œil quelqu’un qui avait mal parlé de ton esprit. Acceptes-tu cette loi ? À ce compte, Ennius, dont la lecture te déplaît, aurait eu droit de te haïr ; Hortensius, de se déclarer ton ennemi ? enfin Cicéron, de t’en vouloir, si tu t’es moqué de ses vers.

XXXVIII. Es-tu candidat ? sois assez juste pour ne pas murmurer du résultat des suffrages. On t’a fait un outrage : t’a-t-on