Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fait pis qu’à Diogène, philosophe stoïcien ? Au moment même où il dissertait sur la colère, un jeune insolent cracha sur lui ; il reçut cet affront avec la douceur d’un sage, et dit : « Je ne me fâche pas ; je suis seulement en doute si je dois me fâcher. » Caton répondit mieux encore : un jour qu’il plaidait, Lentulus, d’insolente et factieuse mémoire, lui cracha au milieu du front de la manière la plus dégoûtante ; Caton s’essuya en disant « Si l’on prétend que tu n’as point de bouche, je serai bon garant du contraire. »

XXXIX. J’ai rempli, Novatus, une grande tâche ; j’ai pacifié l’âme, si je lui ai appris à ne pas sentir la colère, ou à s’y montrer supérieure. Je passe aux moyens d’adoucir ce vice chez les autres ; car cette bonté de l’âme que nous voulons pour nous, nous la voulons aussi pour les autres. Renonçons à calmer, par nos discours, les premiers transports, toujours sourds et aveugles ; donnons-leur du temps : les remèdes ne servent que dans l’intervalle des accès. On ne touche pas à 1’oei1 au fort de la fluxion : l’inflammation deviendrait plus intense, comme tout mal qu’on attaquerait aux moments de crise. Les affections naissantes se traitent par le repos. « L’utile remède que le vôtre, va-t-on me dire ; il apaise le mal quand le mal cesse de lui-même." Non, il le fait cesser plus vite ; il prévient les rechutes ; et s’il n’ose tenter de l’adoucir, il trompe du moins sa violence, il lui dérobe tous les moyens de nuire, feint d’entrer dans ses ressentiments, se donne pour auxiliaire, pour compagnon de ses douleurs, afin d’avoir plus de crédit dans ses conseils ; invente mille causes de retard, diffère la vengeance présente sous prétexte de la vouloir plus forte, cherche, en un mot, par toutes les voies quelque relâche à sa fureur. Si sa véhémence