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A LUCILIUS. — XCIV.

nous manque ; les avertissements ne nous instruisent pas, mais ils réveillent l’attention, ils entretiennent la mémoire ; ils ne permettent pas d’oublier. Il y a mille objets devant lesquels nous passons sans les voir ; avertir, c’est une manière d’exhorter : souvent même l’esprit se dissimule les choses les plus évidentes ; il est donc convenable de lui inculquer la connaissance des choses les plus connues. C’est ici le cas de rappeler ce mot de Calvus plaidant contre Vatinius : « Vous savez qu’il y a eu brigue, et tout le monde sait que vous le savez. » De même, vous savez qu’il faut cultiver religieusement l’amitié ; vous le savez, mais vous ne le faites pas. Vous savez qu’imposer la chasteté à votre épouse, tandis que vous séduisez la femme d’autrui, c’est être injuste ; vous savez que si la vôtre ne doit pas avoir d’amant, vous ne devez pas avoir de maîtresse ; vous le savez, mais n’en tenez nul compte. Il faut donc fréquemmen vous rafraîchir la mémoire : car ces connaissances ne doivent pas être tenues en réserve ; il faut les avoir sous la main. Toutes ces vérités salutaires doivent être souvent traitées, souvent présentées : il ne suffit pas qu’elles soientconnues, il faut qu’elles soient toujours disponibles. Ajoutez encore que, par cette méthode, les choses évidentes deviennent encore plus manifestes.

« Si vos préceptes sont douteux, dit Ariston, il faudra les démontrer ; de sorte que la réforme résultera, non des préceptes, mais de leur démonstration. » Et la personne du conseiller ne fait-elle pas autorité, quelquefois même sans preuves ? C’est ainsi que les réponses des jurisconsultes nous sont utiles, même sans qu’ils en déduisent les motifs. En outre, les préceptes ont beaucoup de poids en eux-mêmes, s’ils sont contenus dans un vers, ou resserrés dans une phrase courte et