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LETTRES DE SÉNÈQUE

avis ne le sont pas non plus. — « Quelle folie, dit Ariston, de donner des préceptes à un malade sur ce qu’il devrait faire s’il se portait bien, au lieu de lui rendre la santé sans laquelle vos préceptes sont inutiles ! — Quoi ! n’y a-t-il pas des préceptes communs au malade et à celui qui est bien portant ? Par exemple, de ne pas manger gloutonnement, d’éviter la fatigue.

Il est aussi des préceptes communs au pauvre et au riche. — « Guérissez, dit-il, l’avarice, et vous n’aurez plus besoin d’avertir le pauvre ou le riche, l’avidité de l’un et de l’autre étant domptée. » D’ailleurs, n’y a-t-il pas de différence entre ne pas désirer l’argent, et savoir en faire usage ? Les avares ne savent pas plus se borner dans leur parcimonie que ceux qui ne sont point avares dans leurs dépenses. — « Bannissez les erreurs, continue Ariston, et les préceptes sont superflus. » — Assertion fausse. Car supposez que l’avarice soit devenue moins serrée, le luxe modéré, la témérité soumise au frein, lalàchetédocilc à l’éperon ; même après avoir écarté ces vices, il nous faudra encore apprendre ce que nous devons faire et de quelle façon. — « Les préceptes, dit-il, ne feront rien, s’ils attaquent des vices dans toute leur force. » La médecine ne guérit pas non plus des maladies incurables ; elle ne laisse pas d’agir pour remédier à certains maux, pour en soulager d’autres. La philosophie entière, en rassemblant toutes ses forces, ne saurait extirper de l’âme un mal endurci, enraciné par l’âge ; mais de ce qu’elle ne guérit pas tout, il ne s’ensuit pas qu’elle ne guérisse rien.

« Que sert, dit Ariston, de nous montrer ce qui est évident ? » — Beaucoup ; car parfois nous savons, mais l’attention