Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/382

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si aucun d’entre eux n’a gouverné l’État, il n’est aucun ainsi qui n’y ait destiné ses disciples.

« Survient-il quelque choc pour mon esprit peu accoutumé à lutter de front, survient-il quelqu’une de ces humiliations qu’on rencontre à chaque pas dans la vie, ou bien quelque affaire hérissée de difficultés, et sans proportion avec le temps qu’elle a pu demander, je retourne à mon loisir ; et, comme les chevaux, malgré leur fatigue, je double le pas pour regagner ma maison : j’aime à renfermer ma vie dans son véritable sanctuaire. Que personne ne me fasse perdre un jour, puisque rien ne peut compenser une si grande perte ; que mon âme se repose sur elle-même ; qu’elle se cultive elle-même ; qu’elle ne se mêle de rien qui lui est étranger, de rien qui la soumette au jugement d’autrui ; que, sans aucun souci des affaires publiques ou privées, elle se complaise dans sa tranquillité.

« Mais lorsqu’une lecture plus forte a élevé mon âme, et qu’elle se sent aiguillonnée par de nobles exemples, je veux m’élancer dans le forum, prêter à d’autres le secours de ma voix sinon toujours avec succès, du moins, avec l’intention d’être utile ; de rabattre en plein forum l’arrogance de tel homme que la prospérité rend insolent.

« Dans les études, je pense qu’il vaut mieux assurément envisager les choses en elles-mêmes, ne parler que sur elles, surtout subordonner les mots aux choses, de manière que, partout où va la pensée, le discours la suive sans effort où elle le mène. Qu’est-il besoin de composer des écrits pour durer des siècles ? Voulez-vous donc empêcher que la postérité ne