Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/381

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qui soit d’un usage commode, sans occuper d’un vain plaisir les regards de mes convives, sans exciter leur convoitise.

« Mais tout en aimant cette simplicité, mon esprit se laisse éblouir par l’appareil d’une jeune et belle élite qu’on dresse aux plaisirs du maître, par ces esclaves plus élégamment vêtus, plus chamarrés d’or que dans une fête publique, enfin par une nombreuse troupe de serviteurs éblouissants de magnificence. J’ai également plaisir à voir cette maison où l’on marche sur les matières les plus précieuses, où les richesses sont prodiguées dans tous les coins, où tout, jusqu’aux toits, brille aux regards, où se presse un peuple de flatteurs, compagnons assidus de ceux qui dissipent leur bien. Que dirai-je de ces eaux limpides et transparentes qui environnent en nappe toute la salle des festins, et de ces repas somptueux, dignes du théâtre où on les sert ? Moi, qui ai poussé jusqu’à l’excès ma longue frugalité, le luxe vient m’environner de tout son éclat, de tout son bruyant appareil. Mon front de bataille commence à plier ; et contre une telle séduction, il m’est plus facile de défendre mon âme que mes yeux. Je m’éloigne donc, non pire, mais plus triste ; et dans mon chétif domicile, je ne porte plus la tête si haute ; une sorte de regret se glisse secrètement dans mon âme, enfin je doute si les objets que je quitte ne sont pas préférables : de tout cela rien ne me change ; mais rien qui ne m’ébranle.

« Il me plait de suivre les mâles préceptes de nos maîtres, et de me lancer dans les affaires publiques ; il me plaît d’aspirer aux honneurs, non que la pourpre et les faisceaux me séduisent ; mais pour avoir plus de moyens d’être utile à mes amis, à mes proches et à tous mes concitoyens. Formé à l’école de ces grands maîtres, je suis Zénon, Cléanthe, Chrysippe ;