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A LUCILIUS. — XCIV.

aussi de nouveaux motifs de conviction à ceux que l’on a déjà, et rectifie les idées fausses.

« Si vous n’avez avant tout de bons principes, dit Ariston, de quelle utilité les avertissements seront-ils pour votre âme esclave du vice ? » Ils lui seront utiles, en l’en débarrassant ; car le germe de son bon naturel n’est pas détruit, il n’est qu’en foui et comprimé : il fait effort pour se relever, et veut résister au mal ; s’il trouve un secours et l’assistance des préceptes, il recouvre sa vigueur, pourvu toutefois que la contagion, malgré sa continuité, n’ait fait que l’infecter, sans le tuer tout à fait. Dans ce cas, la philosophie, avec toutes ses règles, avec toutes ses forces, ne lui rendra pas la vie. Enfin, quelle différence y a-t-il entre les principes et les préceptes de la philosophie, sinon que les principes sont des préceptes généraux ? Préceptes et principes commandent, mais les uns en général, les autres d’une manière spéciale.

« Quand un homme, dit-on encore, a des principes honnêtes et droits, les avertissements sont pour lui superflus. » Nullement ; car, encore bien qu’il ait appris à faire ce qu’il doit, il ne le discerne pas encore assez nettement. En effet, ce ne sont pas seulement nos passions qui nous empêchent de faire des actions dignes d’éloges, mais encore notre ignorance de ce qu’exige de nous chaque cas particulier. Nous avons quelquefois un esprit bien réglé, mais paresseux et encore trop peu exercé pour trouver la route des devoirs ; le précepte nous l’enseigne.

« Chassez, dit Ariston, les idées fausses du bien et du mal ; en leur place mettez des notions vraies, et les préceptes n’au-