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LETTRES DE SÉNÈQUE

ront plus rien à faire. » Il n’est pas douteux que, par cette méthode, on ne puisse régler l’esprit ; mais ce n’est pas la seule. Quand on aura établi, par de bons arguments, en quoi consistent le bien et le mal, il restera encore la part des préceptes ; la prudence et la justice consistent dans la pratique des devoirs, et c’est par les préceptes que sont réglés les devoirs. En outre, nos jugements mêmes sur le bien et sur le mal se fortifient par la pratique des devoirs vers lesquels nous guident les préceptes ; car les préceptes sont toujours d’accord avec les principes ; on ne peut établir ceux-ci, sans que ceux-là en soient la conséquence : tel est leur ordre nécessaire, et le principe marche toujours avant le précepte.

« Les préceptes sont innombrables, dit Ariston. » C’est faux ; les préceptes importants et nécessaires ne sont point innombrables. — Il n’y a entre eux que de légères différences de temps, de lieux et de personnes ; et même toutes ces nuances peuvent se trouver comprises dans les préceptes généraux. « Personne, continue le même philosophe, ne guérit la folie par des préceptes ; donc ils ne guériront pas davantage la méchanceté. » — C’est assimiler deux choses différentes. En guérissant la folie, nous rendons la santé ; mais en délivrant un esprit des préjugés, on ne lui donne pas de suite le discernement pour bien agir ; mais le lui donnerait-on, les avis n’en fortifieront pas moins le jugement qu’on doit porter sur ce qui est bien ou mal. Il est encore faux de dire que les préceptes ne servent point aux hommes en démence ; ils ne servent point seuls, mais ils contribuent à la guérison. Souvent on a vu les menaces, les châtiments contenir les insensés ; je ne parle que de ceux dont l’intelligence est ébranlée, sans être entièrement perdue.