Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/392

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plus de gloire et de sûreté à ne se rendre à l’ennemi, que les armes à la main.

Telle est, suivant moi, la conduite que doit tenir le sage, ou celui qui aspire à la sagesse. Si la fortune l’emporte et lui ôte les moyens d’agir, on ne le verra point tourner incontinent le dos, fuir en jetant ses armes, et chercher quelque refuge, comme s’il était au monde aucun lieu à l’abri des atteintes de la fortune ; mais il se livrera aux affaires avec plus de réserve, et mettra son discernement à choisir quelque autre moyen de servir la patrie. Ne le peut-il les armes à la main ? qu’il tourne ses vues vers les honneurs civils. Est-il réduit à la vie privée : qu’il se fasse avocat. Le silence lui est-il commandé ? qu’il offre à ses concitoyens sa muette assistance. Ne peut-il sans danger se présenter au barreau ? que dans les relations privées, dans les spectacles, à table, il soit d’un commerce sûr, ami fidèle, convive tempérant. Si les fonctions de citoyen lui sont interdites, qu’il s’acquitte de celles d’un homme.

Aussi dans la hauteur de notre philosophie, au lieu de nous renfermer dans les murs d’une cité, sommes-nous entrés en communication avec le monde entier, et avons-nous adopté l’univers pour patrie, afin de donner à notre vertu une plus vaste carrière. Le siége de juge vous est interdit, la tribune aux harangues vous est fermée ? Regardez derrière vous : que de vastes régions, que de peuples qui vous accueilleront ! jamais si grande partie de la terre ne vous sera interdite, qu’il ne vous en soit laissé une encore plus grande. Mais prenez garde que cette exclusion ne vienne entièrement de votre faille. Vous ne voulez prendre part aux affaires publiques que comme consul, prytane, céryx ou suffète. Peut-être aussi ne voulez-vous aller à l’armée que comme général en chef ou tout au moins comme