Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus pénibles. Nul ne pourrait y résister, si la vivacité du sentiment, qu’excitent en nous les premiers coups de l’adversité, ne s’émoussait à la longue. Nous sommes tous liés à la fortune ; les uns par une chaîne d’or et assez lâche ; les autres, par une chaîne serrée et de métal grossier. Mais qu’importe ? la même prison renferme tous les hommes ; et ceux qui nous ont enchaînés portent aussi leurs fers, à moins que l’on ne trouve plus légère la chaîne qui charge la main gauche de son gardien. Les uns sont enchaînés par l’ambition, les autres par l’avarice celui-ci trouve dans sa noblesse, et celui-là dans son obscurité, une chaîne également pesante ; il en est qui sont asservis à des maîtres étrangers, d’autres sont leurs tyrans à eux-mêmes. Ainsi que l’exil, les sacerdoces enchaînent au même lieu ; toute existence est un esclavage.

Il faut donc nous faire à notre condition, nous en plaindre le moins possible, et profiter de tous les avantages qu’elle peut offrir. Il n’en est point de si dure en laquelle un esprit judicieux ne puisse trouver quelque soulagement. Souvent l’espace le plus étroit, grâce au talent de l’architecte, a pu s’étendre à plusieurs usages, et une habile ordonnance peut rendre le plus petit coin habitable. Opposez la raison à tous les obstacles : corps durs, espaces étroits, fardeaux pesants, l’industrie sait tout amollir, étendre, allégir. Il ne faut pas d’ailleurs porter nos désirs sur des objets éloignés ; ne les laissons aller que sur ce qui est près de nous, puisque nous ne pouvons entièrement les renfermer en nous-mêmes. Renonçons donc à l’impossible, à ce qui ne peut qu’à grande peine s’obtenir ; ne cherchons que ce qui, se trouvant à notre portée, doit encourager nos espérances : mais n’ou-