Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/405

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blions pas que toutes choses sont également frivoles, et que, malgré la diversité de leur apparence extérieure, elles ne sont toutes au fond que vanité.

Ne portons pas envie à ceux qui sont plus élevés que nous : ce qui nous paraît élévation, n’est souvent que le bord d’un abîme. Quant à ceux que la fortune perfide a placés dans ce lieu glissant, ils assureront leur sûreté en dépouillant leur grandeur de ce faste qui lui est naturel, et en ramenant, autant qu’ils le pourront, leur fortune au niveau de la plaine.

Il en est beaucoup qui, par nécessité, sont enchaînés à leur grandeur ; ils n’en pourraient descendre sans tomber ; ils sont là pour témoigner que le plus lourd fardeau qui pèse sur eux est de se voir contraints à être à charge aux autres, au-dessus desquels ils ne sont pas élevés, mais attachés. Que par leur justice, leur mansuétude, une autorité douce, des manières gracieuses, ils se préparent des ressources pour le sort qui les attend ; cet espoir calmera leurs craintes au bord du précipice. Rien ne pourra mieux les assurer, contre ces grandes tempêtes qui s’élèvent dans l’intérieur de l’âme, que d’imposer toujours quelque limite à l’accroissement de leur grandeur ; d’ôter à la fortune la faculté de les quitter à sa fantaisie, et de s’arrêter d’eux-mêmes en deçà du terme. Cette conduite n’empêchera pas peut-être l’aiguillon de quelques désirs de se faire sentir à leur âme ; mais ils seront bornés, et ne pourront l’entraîner à l’aventure dans des espaces infinis.

XI. C’est aux gens d’une sagesse et d’une instruction imparfaites et médiocres que mon discours s’adresse, et non pas au sage. Pour lui, ce n’est point d’un pas timide et lent qu’il doit marcher ; telle doit être sa confiance en lui-même, qu’il ne crain-