Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/420

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dre à l’esprit toute sa gravité et tout son ressort. Le sommeil est nécessaire pour réparer nos forces, mais vouloir le prolonger et la nuit et le jour, ce serait une vraie mort. Il est bien différent de relâcher, ou de détendre. Les législateurs ont institué des jours de fêtes, afin que les hommes, rassemblés pour ces réjouissances, trouvassent à leurs travaux un délassement, une interruption nécessaires. Et de grands personnages, m’a-t-on dit, se donnaient chaque mois quelques jours de vacance ; d’autres même partageaient chaque journée entre le repos et les affaires. Je me souviens entre autres, qu’Asinius Pollion, ce fameux orateur, ne s’occupait plus d’aucune affaire passé la dixième heure ; dès lors il ne lisait pas même ses lettres, de peur qu’elles ne fissent naître pour lui quelque nouveau soin ; mais durant ces deux heures, il se délassait de la fatigue de toute la journée. D’autres, partageant le jour par la moitié, ont réservé l’après-midi pour les affaires de moindre importance. Nos ancêtres ne voulaient point que, passé la dixième heure, on ouvrît dans le sénat aucune délibération nouvelle. Les gens de guerre répartissent entre eux le service de nuit, et ceux qui reviennent d’une expédition ont leur nuit franche.

L’esprit demande des ménagements ; il faut lui accorder un repos qui soit comme l’aliment réparateur de ses forces épuisées. La promenade dans des lieux découverts, sous un ciel libre et au grand air, récrée et retrempe l’esprit. Quelquefois un voyage en litière et le changement de lieu, comme aussi quelque excès dans le manger et dans le boire, lui redonnent une nouvelle vigueur : parfois même on peut aller jusqu’à l’ivresse, non pour s’y plonger, mais pour y trouver un exci-