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LETTRES DE SÉNÈQUE

le seul que le peuple estimât heureux, disait souvent qu’il devait beaucoup à cette maxime : « Par la concorde, les plus petits établissements s’augmentent ; la discorde renverse les plus grands. » Cette maxime, disait-il, l’avait rendu excellent frère et excellent ami. Si des sentences de ce genre améliorent l’esprit qui se les rend familières, pourquoi cette portion de la philosophie, qui se compose de préceptes analogues, n’en ferait-elle pas autant ? Une partie de la vertu consiste dans la théorie, une autre dans la pratique. 11 faut d’abord apprendre, puis confirmer par des actes ce que vous avez appris. S’il en est ainsi, non-seulement les principes philosophiques sont utiles, mais aussi les préceptes, qui, semblables à des édits, répriment et enchaînent nos appétits.

« La philosophie, dit-on, comprend deux choses, la science et l’état de l’âme. Car celui qui s’est instruit de ce qu’il faut faire ou éviter, n’est pas encore sage, tant que son âme n’a pas pris la forme et la couleur de ce qu’il a appris. Cette troisième partie dont nous parlons, laquelle consiste en préceptes, procède des deux premières, des principes généraux et de l’état de l’âme : donc elle est superflue pour guider à la vertu parfaite, puisque les deux autres suffisent. » Ainsi l’on pourra dire que la consolation est superflue ; car elle a la même origine : on en pourra dire autant de l’exhortation, du conseil, et même de l’argumentation, car l’argumentation procède aussi de l’état vigoureux d’une âme bien réglée. Mais quoique les divers moyens, dont je viens de faire mention, proviennent de l’état de l’âme, le meilleur état de l’âme procède des principes et des préceptes. Ensuite ce que vous dites est le propre de l’homme déjà parfait et parvenu au sommet de la félicité.