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A LUCILIUS. — XCIV.

Ces maximes portent coup ; nul ne doute ni ne songe à demander pourquoi ? tant la vérité nous entraîne, sans avoir besoin de donner de raisons.

Si le respect impose un frein aux passions ou réprime les vices, pourquoi les avis n’en feraient-ils pas autant ? Si le châtiment nous fait rougir, pourquoi les avis ne produiraient-ils pas le même effet, même lorsqu’on s’en tient à des préceptes tout nus ? Ils sont pourtant plus efficaces et pénètrent plus avant, quand les raisons arrivent à l’appui des préceptes, quand on fait voir pourquoi il faut agir de telle ou telle sorte, et quel avantage doit résulter pour celui qui dans la pratique se conforme -aux préceptes et leur obéit. Si les commandements sont utiles, les avis le seront aussi ; or les commandements sont utiles ; donc il en est de même des avis.

La vertu se partage en deux branches distinctes, la contemplation du vrai et la pratique ; par l’étude on acquiert la partie contemplative ; la pratique résulte des avis. La vertu s’exerce et se manifeste par de bonnes œuvres ; or, si les conseils sont utiles à celui qui doit agir, les avertissements lui serviront pareillement. Conséquemment, si les bonnes actions sont nécessaires à la vertu, et que les avis dirigent les bonnes œuvres, les avis sont nécessaires. Deux choses principalement donnent de la vigueur à l’âme, la conviction de la vérité et la confiance ; les avis produisent l’une et l’autre. Car on y croit, et, cette conviction établie, l’âme conçoit de l’énergie et se remplit de confiance ; les avis ne sont donc pas superflus.

M. Agrippa, homme d’un esprit vigoureux, et, entre tous ceux que les guerres civiles rendirent illustres et puissants,