Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2
LETTRES DE SÉNÈQUE

Lorsqu’une main ennemie lance le feu sur nos habitations, la flamme s’éteint en beaucoup d’endroits, et, qupique souvent excitée, rarement elle dévore tout au point de ne rien laisser au fer destructeur. Les tremblements de terre sont rarement assez violents, assez terribles, pour renverser des villes de fond en comble : enfin, jamais un incendie ne s’est propagé avec assez de fureur, pour qu’un nouvel incendie n’ait plus rien trouvé à dévorer.

Tant de magnifiques ouvrages qui auraient pu servir à orner tant de villes, une seule nuit les a réduits en cendres : et au sein d’une paix profonde, nous avons été témoins d’un désastre qu’au milieu même de la guerre on n’aurait pu craindre. Qui le croira ? dans le silence des armes, quand le monde entier jouit d’une sécurité profonde, une ville que dans la Gaule on montrait avec admiration, a pu être anéantie tout à coup. Souvent la fortune nous avertit des maux qu’elle nous prépare ; ordinairement il faut du temps pour détruire ce que le temps a élevé : mais ici, il n’y a eu qu’une nuit d’intervalle entre une ville immense et des ruines. Elle a péri en moins de temps que je n’en mets à vous raconter sa perte. — Voilà ce qui affecte notre cher Libéralis, pour lui-même inébranlable aux coups de la fortune : il a été frappé, et ce n’est pas sans motif ; car un malheur inattendu est plus poignant, sa nouveauté nous accable, et la surprise, chez nous autres mortels, ajoute à la douleur.

C’est pourquoi rien ne doit être imprévu pour nous. Il faut que notre âme aille au-devant de tous les maux ; quelle prévoie ceux qui nous arrivent, comme ceux qui peuvent nous