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LETTRES DE SÉNÈQUE

Intérêts publics, intérêts privés, et en particulier, comme en public, rien n’est stable : hommes, villes, ont la même destinée. La terreur existe au sein de la plus grande tranquillité ; rien ne nous montre d’où doit venir le mal ; il apparaît là où on l’attendait le moins. Des États qui ont résisté aux guerres étrangères et intestines s’écroulent sans rien qui les ébranle. Quelle ville a su conserver sa prospérité ?

Réfléchissons donc à tous les malheurs qui peuvent arriver, et fortifions-y notre âme. Pensons à l’exil, aux tortures, aux guerres, aux maladies, aux naufrages. Un événement peut nous enlever à notre patrie, ou nous enlever notre patrie ; nous jeter dans la retraite ; et où nous voyons la foule se presser, peut-être, plus tard, il n’y aura qu’un désert. Parcourons des yeux toute la vie humaine ; et pressentons, non-seulement ce qui arrive fréquemment, mais encore tout ce qui peut arriver, si nous ne voulons pas être surpris par des malheurs, qui, quoique fort rares, n’ont pourtant rien d’extraordinaire ! Il faut considérer la fortune sous toutes ses faces. Combien de villes d’Asie et d’Achaïe renversées par un seul tremblement de terre ! combien de villes de la Syrie et de la Macédoine n’ont-elles pas été anéanties ! combien de fois l’île de Chypre n’a-t-elle pas été ravagée par le même fléau ! combien de fois Paphos n’a-t-elle pas été bouleversée ! On nous a souvent annoncé la destruction de villes entières, et nous, qui apprenons de pareilles calamités, que sommes-nous dans l’univers ?

Raidissons-nous donc contre les coups du sort ; et, quelque malheur qui arrive, sachons bien que la renommée le grandit toujours. La flamme a détruit entièrement une ville opulente