Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/68

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pour fin la vertu, sont cupides, débauchés, ambitieux, qu’êtes-vous donc, vous à qui le nom seul de vertu est odieux ? Vous soutenez que pas un ne réalise ce qu’il dit et ne conforme sa vie à ses maximes. Quoi d’étonnant, quand leurs paroles sont si héroïques, si sublimes, dominent de si haut toutes les tempêtes de la vie humaine ; quand ils ne visent pas à moins qu’à s’arracher de ces croix, où tous, tant que vous êtes, vous enfoncez de vos mains les clous qui vous déchirent ? Le supplicié du moins n’est suspendu qu’à un seul poteau ; ceux qui se font bourreaux d’eux-mêmes subissent autant de croix que de passions qui les tiraillent ; et dans leur médisance ils trouvent de l’esprit pour insulter autrui. Je les laisserais faire si ce n’était pas du haut de leur propre gibet que certains hommes crachent sur les spectateurs.


XX. Les philosophes ne réalisent pas leurs propres paroles ? cependant ils font beaucoup par ces paroles mêmes et par la conception de l’honnête. Si leurs actes étaient à la hauteur de leur langage, quelle félicité surpasserait la leur ? En attendant qu’il en soit ainsi, il n’y a pas lieu de mépriser de bonnes paroles et des cœurs pleins de bonnes pensées. L’application aux études salutaires, restât-elle en deçà du but, est louable