Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/119

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ses fleuves, et l’Océan pour ceinture, ne nous semble qu’un point comparé à l’univers. Eh bien ! comparée à l’éternité, notre existence est moindre qu’un point dans le temps, car l’éternité est plus vaste que cet univers, lequel, sans épuiser le temps, revient si souvent sur lui-même. Qu’importe donc d’étendre un espace dont le développement, quelque loin qu’il aille, est si près de rien ? Il n’est de longue vie que celle qui a suffi à sa tâche. Eussiez-vous le loisir de me citer les hommes dont la vieillesse est historique, ces hommes qui ont vécu jusqu’à cent dix années ; si vous embrassez l’éternité par la pensée, de la plus longue à la moindre carrière, la différence sera nulle quand vous comparerez le temps qu’ont vécu ces hommes avec celui qu’ils n’ont point vécu.

Votre fils d’ailleurs n’est pas mort avant l’âge, il a vécu autant qu’il a dû vivre : il ne lui restait plus rien au-delà. L’époque de la vieillesse n’est pas la même pour tous les hommes ; que dis-je ? n’est pas la même pour tous les animaux. En quatorze ans, chez quelques-uns de ceux-ci, la vie est épuisée, et la plus longue période pour eux est pour l’homme la première. Rien de plus inégal que la mesure des destinées, et nul ne meurt trop tôt, dès qu’il n’était pas créé pour vivre plus. Le terme de chacun est fixé d’avance, et fixé sans retour ; il n’est soins ni faveurs qui puissent le reculer, et pour le reculer, votre fils n’eût pas voulu se tourmenter de soins et de calculs. Sa tâche est faite,

....Et de sa course il a touché le but.