Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/140

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rapporter. Vous le savez de reste ; et il n’est pas à craindre qu’on perde la mémoire de ce que le bonheur public a si bien gravé dans les cœurs. Personne n’est oublieux de sa félicité. Quant à ce qui s’est passé au ciel, écoutez : j’ai nommé mon auteur, vous devez l’en croire.

On vint annoncer à Jupiter qu’il était arrivé un homme d’une bonne taille, parfaitement chauve, et qui murmurait entre ses dents je ne sais quelle menace ; il branlait perpétuellement la tête, traînait le pied droit ; interrogé sur son pays, il avait répondu je ne sais quoi dans un langage inarticulé et d’une voix sourde ; 011 ne pouvait comprendre son langage ; il n’était ni Grec, ni Romain, ni d’aucune nation connue.

Alors Jupiter avisant Hercule, qui, ayant parcouru tout l’univers, devait connaître toutes les nations, lui commanda d’aller voir à quelle race d’hommes pouvait appartenir le nouveau venu. Hercule donc, au premier aspect, se sentit réellement troublé, lui qui avait su affronter tant de monstres suscités par Junon. Quand il vit cette face d’un aspect si nouveau, cette étrange manière de marcher, cette voix n’appartenant à aucun animal terrestre, mais tout à fait semblable au mugissement d’un monstre marin, il crut qu’il s’agissait pour lui d’un treizième travail. En examinant avec plus d’attention, il reconnut une espèce d’homme. Il s’approche donc, et, chose facile à un Grec, il lui dit :

« D’où viens-tu ? quel es-tu ? de quel pays es-tu ? »

En entendant ces mots, Claude se réjouit de voir qu’il y a là des beaux esprits ; déjà il se flatte que ses histoires y seront