Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/164

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garantir la liberté de Rome, Caton lui devra la sienne. Exécute, ô mon âme, un projet médité depuis longtemps ; dérobe-toi aux misères de l’humanité. Déjà Petreius et Juba, en se précipitant l’un contre l’autre, sont tombés sous leurs coups mutuels : noble et courageux accord pour mourir, mais qui serait encore au-dessous du grand caractère de Caton. Il aurait également à rougir de demander à quelqu’un ou la mort ou la vie. »

Je n’en doute nullement, les dieux furent pénétrés de la joie la plus vive, lorsque ce héros, intrépide libérateur de lui-même, prenait soin de la sûreté des autres, et disposait tout pour leur fuite ; lorsqu’il se livrait à l’étude cette même nuit qui devait être pour lui la dernière ; lorsqu’il plongeait le fer dans sa poitrine sacrée, lorsqu’il arrachait ses propres entrailles, et que sa main faisait sortir son âme vénérable, que le fer eût souillée. Voilà sans doute pourquoi le coup mal dirigé ne fut pas mortel. Ce n’était pas assez pour les dieux d’avoir eu Caton en spectacle seulement une fois : sa vertu fut redemandée, ramenée dans l’arène, afin qu’elle se montrât encore, et dans une épreuve plus difficile. En effet, il y a moins de courage à faire un premier essai delà mort, qu’à s’y reprendre. Oui, les dieux devaient avoir plaisir à regarder leur élève s’affranchir par une fin si belle et si mémorable. La mort devient une apothéose, quand elle est un objet d’admiration pour ceux mêmes qu’elle épouvante.

III. La suite du discours me conduira tout à l’heure à montrer combien il s’en faut que ce qu’on appelle des maux en soient réellement ; je me contente à présent d’affirmer que ces prétendues calamités, quelque affreuses qu’elles semblent, sont d’abord dans l’intérêt de ceux à qui elles arrivent, puis de l’uni-