Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/165

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versalité du genre humain, dont les dieux tiennent compte plus que des individus ; qu’elles plaisent à qui les éprouve, ou qu’on les mérite, si elles déplaisent, qu’elles entrent dans l’ordre général des destinées, et qu’elles doivent échoir aux gens de bien parla même loi qui les a faits tels qu’ils sont. De là, vous conclurez qu’il ne faut pas plaindre le sort de l’homme vertueux ; qu’on peut le dire malheureux, mais qu’il ne l’est jamais.

De ces assertions, celle qui paraît la plus difficile à prouver est la première, savoir : que les maux qui nous font frémir, sont dans l’intérêt de ceux qui les souffrent. « Quoi, direz-vous, c’est un bien que d’être envoyé en exil, d’être réduit à la mendicité, de porter ses enfants, sa femme à la sépulture, d’avoir le corps mutilé, d’être flétri par un jugement ? » Si vous ne concevez pas que, de ces accidents, il puisse résulter un bien, soyez donc étonné aussi de ce qu’on traite plusieurs maladies par le fer et le feu, par la faim et la soif. Mais si vous songez que, dans certains cas, on est obligé de dépouiller les os, de les extraire, de retrancher des veines, d’amputer quelques membres qui ne peuvent rester unis au corps sans entraîner sa destruction totale, vous serez forcé de reconnaître qu’il y a des maux utiles à ceux qui les endurent, aussi bien, assurément, que plusieurs objets des vœux et des soins les plus empressés sont funestes à ceux qu’ils charment, comme les jouissances de l’ivrognerie, de la gourmandise, et de tous les vices qui conduisent à la mort par le plaisir.

Parmi plusieurs maximes sublimes de notre cher Demetrius, en voici une dont l’impression sur moi est toute récente ; je crois l’entendre encore retentir à mon oreille : « Il n’y a rien, ce me semble, de plus malheureux que l’homme qui n’a