Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/232

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laquelle on supporte les injures expose à en recevoir de nouvelles, tandis que la clémence est la garantie de la sûreté des rois : de fréquentes vengeances n’éteignent que les haines de quelques hommes, et irritent celles de tous les autres ; il ne faut donc pas attendre, pour renoncer à la sévérité, qu’elle n’ait plus de motif. Les arbres élagués multiplient leurs rameaux, et l’on coupe certaines plantes pour qu’elles repoussent plus touffues ; de même la cruauté des rois, en frappant quelques-uns de leurs ennemis, ne fait qu’en augmenter le nombre : leurs sentiments se transmettent à leurs pères, à leurs enfants, à leur famille entière et à leurs amis.

IX. Je veux vous prouver la vérité de ces maximes par un exemple tiré de vos familles. Auguste fut un prince plein de bonté, si on ne le considère que lorsqu’il régna seul ; mais à l’époque où la république avait plusieurs maîtres, sa main fit usage du glaive. A l’âge où vous êtes, à dix-huit ans, déjà il avait plongé le poignard dans le sein de ses amis ; il avait attenté secrètement à la vie de Marc^-Antoine ; il avait été son collègue au temps des proscriptions. A l’âge de plus de quarante ans, pendant son séjour dans la Gaule, on lui révéla un complot tramé contre lui par L. Cinna, homme d’un esprit médiocre. On lui fit connaître le lieu, le temps et les moyens d’exécution de l’attentat. Cette déclaration émanait de l’un des complices. Auguste résolut de se venger, et convoqua ses amis pour tenir conseil. 11 passa une nuit agitée, en songeant qu’il allait condamner un jeune homme d’une haute naissance, irréprochable dans tout le reste, et petit-fils de Pompée. Il ne pouvait plus se résoudre à envoyer un homme au supplice,