vêtement ; il en coûte aussi peu pour couvrir l’homme que pour le nourrir ; en l’assujettissant au besoin, la nature lui a donné les moyens d’y satisfaire sans peine. S’il désire une étoffe saturée de pourpre, chamarrée d’or, nuancée de couleurs, enrichie de broderies, ce n’est plus la fortune, c’est lui-même qu’il doit accuser de son indigence. Que gagnerez-vous à lui rendre ce qu’il a perdu ? Rentré dans ses foyers, il trouvera dans ses désirs plus de sujets de privations qu’il n’en a essuyé pendant son exil. S’il convoite un buffet étincelant de vases d’or ; une argenterie marquée au coin des plus célèbres artistes de l’antiquité ; cet airain, dont la manie de quelques riches, a fait tout le prix ; un peuple d’esclaves, capable de diminuer l’espace du plus vaste palais ; des bêtes de somme chargées d’un embonpoint factice et des pierres de toutes les contrées du monde ; vous aurez beau entasser tous ces objets de luxe, jamais ils ne rassasieront son âme insatiable. C’est ainsi qu’aucune boisson ne peut désaltérer celui dont la soif ne vient pas du besoin, mais de l’ardeur qui dévore ses entrailles : car ce n’est plus une soif, c’est une vraie maladie.
Cet excès n’est pas particulier à la gourmandise et à la cupidité. Telle est encore la nature des désirs qu’engendre le vice et non l’indigence : tous les aliments que vous leur prodiguez, loin de les satisfaire, ne font qu’accroître leur intensité. Ainsi, tant qu’on respecte les bornes de la nature, on ignore le besoin ; dès qu’on en sort, on rencontre la pauvreté, même au sein de l’opulence. Oui, tout, jusqu’à l’exil, nous fournit le nécessaire ; et des royaumes entiers ne pourraient suffire au superflu. C’est l’âme qui fait la richesse ; elle suit l’homme en