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Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/36

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plaisir à augmenter la richesse de vos fils, en administrant leur patrimoine avec autant d’activité que s’il eût été le vôtre, et en le ménageant comme le bien d’autrui. Aussi avare de leur crédit que de celui d’un étranger, de toutes leurs dignités il ne vous est revenu que de la dépense et du plaisir : jamais votre tendresse ne vous a permis de songer à l’intérêt. Privée de votre fils, vous ne pouvez donc regretter ce que vous ne regardiez pas comme un bien personnel, quand il était présent.

XV. Toutes mes consolations doivent donc se tourner vers la véritable source de la douleur maternelle : "Je suis privée des embrassements de mon fils bien-aimé. Je ne jouis plus de sa présence ; je ne jouis plus de son entretien. Où est-il celui dont le regard rendait mon front serein, dont le sein recevait la confidence de toutes mes peines ? Où sont ces entretiens dont j’étais insatiable ; ces études auxquelles j’assistais avec un plaisir rare dans une femme, avec une familiarité peu commune dans une mère ? Où sont ces charmantes rencontres ? Où cette gaîté d’enfant qui, même dans l’âge mûr, éclatait à ma vue ?… » Vous vous représentez peut-être encore les lieux témoins de nos joies et de nos épanchements ; et il vous est impossible de ne pas retrouver les traces récentes de ma présence, souvenir si capable de déchirer une âme sensible. En effet, dans sa barbarie raffinée, la fortune a profité de la sécurité, qui vous faisait écarter toute appréhension funeste, pour vous rappeler à Rome, trois jours avant le coup qui m’a frappé. La distance des lieux qui nous séparaient, une absence de quelques années, semblaient vous avoir préparée à cette infortune ; et vous êtes revenue, non pour jouir de votre fils mais pour ne pas perdre l’habitude de le regretter ! Si vous vous étiez absentée long-