temps auparavant, ma perte vous eût été moins cruelle ; l’intervalle eût adouci le regret ; si vous ne fussiez point partie, vous auriez eu du moins pour consolation dernière le plaisir de voir votre fils deux jours de plus. Mais les affreuses combinaisons du destin vous ont empêchée de jouir de ma prospérité, et de vous accoutumer à mon absence. Plus ce malheur est horrible, plus vous devez vous armer de courage, comme ayant affaire à un ennemi connu, et déjà terrassé plus d’une fois. Ce n’est pas d’un corps sans blessure que votre sang coule aujourd’hui, c’est sur vos cicatrices mêmes que le coup a porté.
XVI. Ne cherchez pas une excuse dans la faiblesse de votre sexe ; on lui accorde presque unanimement le droit immodéré, mais non illimité, de s’abandonner aux larmes. Aussi nos ancêtres, voulant par un décret solennel composer avec la douleur obstinée des femmes, leur ont accordé dix mois pour pleurer leurs époux ; ce n’était pas leur interdire le deuil, mais y mettre un ternie. Se livrer à une douleur sans fin, pour la perte de ses proches, est une faiblesse puérile ; n’en ressentir aucune, serait une dureté inhumaine. La meilleure manière de tempérer la tendresse par la raison, c’est d’éprouver des regrets et de les étouffer. Ne vous réglez pas sur quelques femmes, dont la tristesse n’a fini qu’avec la vie. Vous en connaissez qui, après la perte de leurs fils, n’ont plus quitté le deuil. La fermeté, que vous avez déployée dès l’âge le plus tendre, vous impose d’autres devoirs. Le sexe n’est point une excuse pour celle qui n’a montré aucun des vices du sien. L’impudeur, ce fléau dominant de notre siècle, n’a pu vous ranger dans la classe la plus nombreuse des femmes. En vain elle