Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/69

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Mais encore n’en eût-il rien fait, voir seulement César ou penser à lui, n’est-ce pas un adoucissement bien réel à voe maux ? Puissances du ciel ! prêtez-le longtemps à la terre ; qu’il égale les hauts faits d’Auguste et dépasse ses années ! que tant qu’il sera parmi les hommes, il ne s’aperçoive pas que rien dans sa maison soit mortel ! que le maître futur de l’empire, que son fils, dont il aura apprécié le long dévoûment, soit le collègue de son père avant d’en être le successeur ! Que bien tard, et pour nos neveux seulement, luise le jour où sa famille le placera dans les cieux !

XXXII. Que les mains, ô fortune ! le respectent ; qu’il n’éprouve ta puissance que par tes faveurs ; permets qu’il guérisse les plaies du genre humain depuis longtemps souffrant et épuisé ; tout ce que les fureurs de son prédécesseur ont ébranlé, permets qu’il le replace sur de fermes bases. Puisse cet astre, qui vint briller sur un monde tombé dans le chaos et englouti dans les ténèbres, ne s’éclipser jamais ! Qu’il pacifie la Germanie, qu’il nous ouvre la Bretagne, qu’il continue et renouvelle les triomphes de son père, gloire dont moi-même je serai spectateur : c’est la première de ses vertus, sa clémence, qui me le promet. Car, en me précipitant dans l’abîme, il n’a pas juré de ne m’en point tirer ; que dis-je ? il ne m’y a pas même précipité : le sort me poussait à ma chute, et sa main divine m’a soutenu, et son indulgence a daigné adoucir pour moi la rudesse du coup. Il a intercédé en ma faveur auprès du sénat : il a fait plus que de me donner la vie, il l’a demandée pour moi. C’est à lui à voir comment il lui plaira d’apprécier