Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/68

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vous a fait payer le salut d’eux tous au prix d’un seul sacrifice. Vous avez plus d’un asile où reposer votre douleur.

XXXI. Prévenez ici le blâme public : qu’on ne croie pas qu’en vous une seule douleur l’emporte sur tant de consolations. Vous voyez tous les vôtres frappés du même coup que vous-même ; vous sentez que, loin de pouvoir venir à votre aide, ils n’attendent que de vous quelque soulagement. Moins donc leurs lumières et leur génie approchent des vôtres, plus c’est votre devoir de résister au mal commun. Et c’est déjà une sorte d’allégement, que de partager sa peine entre plusieurs : un fardeau ainsi divisé doit réduire beaucoup la part qui vous reste. Je ne cesserai non plus de vous offrir l’image de César : tant qu’il gouverne le monde, et qu’il prouve combien l’autorité se conserve mieux par les bienfaits que par les armes, tant qu’il préside aux choses humaines, vous ne courez pas risque de vous apercevoir d’aucune perte ; en lui seul vous trouvez un support, un consolateur suffisant. Relevez votre courage, et chaque fois que les larmes viendront remplir vos yeux, arrêtez-les sur César : elles se sécheront au radieux aspect de cette puissante divinité. Eblouis de son éclat, vos regards ne pourront se porter sur nul autre objet : il les tiendra fixés sur lui seul. Qu’il continue d’être nuit et jour le but de vos contemplations ; que votre âme et vos pensées ne s’en écartent jamais ; qu’il soit votre recours contre la fortune ; et sans doute ce prince, si débonnaire, si affectueux pour tous ceux qui lui appartiennent, aura déjà mis plus d’un appareil sur votre blessure et prodigué le baume qui doit charmer vos douleurs.