Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/11

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il acquiert une valeur plus positive, une forme plus saisissable ; il devient pour ainsi dire actif, et se mêle à la vie humaine. Debout sur le faîte d’une société parvenue à la complète expression de son principe, il reprend les idées générales au point où le dernier peuple, avant de s’éteindre, les a laissées, et les augmente ou les modifie de tout le travail qui s’est accompli dans la société qu’il représente.

De ce point de vue, l’imitation des Grecs par les Romains, celle des anciens par les modernes, s’offrent à nous comme la continuation d’une œuvre éternelle qui se déroule dans le temps, qui se poursuit toujours et ne se recommence jamais ; ancienne parce qu’elle se fait dès le commencement ; nouvelle parce qu’elle se fait encore aujourd’hui ; toujours même et toujours autre, comme dirait Platon. Tout se suit, tout s’enchaîne dans cette œuvre merveilleuse des peuples et des siècles : les premiers hommes avaient semé ; d’autres, plus tard, sont entrés dans leurs travaux ; et, après avoir recueilli ce qui n’était point venu par leurs soins, ils ont dû semer eux-mêmes pour transmettre à leurs successeurs l’héritage qu’ils avaient reçu.

Si les Romains n’avaient fait que traduire en leur langue les chefs-d’œuvre littéraires de la Grèce, les Romains n’auraient point de littérature : il faudrait en dire autant des modernes, s’ils s’étaient bornés à une reproduction stérile de l’antiquité ; mais il n’en est point ainsi ; dans la littérature latine, on reconnaît l’empreinte du génie romain, et dans toutes nos littératures le cachet du génie moderne. Le peu d’étendue de cette no-