Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/14

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Il ne s’agit donc plus de s’enquérir si les Romains ont une littérature propre, si cette littérature est inférieure à celle des Grecs. On a déjà trop dit de paroles inutiles sur ce texte. Les Romains ont dû prendre des idées générales au point même où la Grèce les avait laissées, et c’est ce qu’ils ont fait. Au temps d’Eunius et de Scipion, l’âge littéraire n’était pas venu pour l’Italie ; à cette époque, le génie d’Athènes eût étouffé celui de Rome, et déjà, sans l’opposition vigoureuse du parti national, la langue latine allait être sacrifiée à la grecque, parce qu’elle était faible encore pour les œuvres de l’art, comme au treizième siècle l’italien fut méprisé par Pétrarque, et faillit céder au latin l’épopée catholique du moyen âge. C’est qu’une littérature est pour ainsi dire le testament de mort d’une société qui, avant de commencer à mourir, doit avoir fini de vivre. Rome, au temps de Scipion, n’était point encore arrivée à ce point culminant où l’on ne peut plus que descendre ; il lui restait encore quelque chemin à faire pour atteindre la plénitude et remplir le cadre de sa destinée. Ni la langue, ni les idées n’étaient mûres, pas plus que le cercle politique n’était complet dans les vagues et flottantes limites de l’empire. Ce ne fut que plus tard, au temps de César et d’Auguste, que Rome devait trouver une littérature au bout de ses conauêtes.

À ce moment, elle put imiter la Grèce impunément, et sans compromettre l’originalité de son génie ; elle avait en elle-même tous les élémens de sa littérature, elle était sûre d’exprimer ses propres idées dans la forme étrangère qu’elle empruntait. De plus, cette forme deve-