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Page 17. Le jour commence à paraître. Il ne faut pas croire, comme le dit un commentateur, que Junon prenne le lever du soleil pour le moment favorable à son œuvre : au contraire, il en était des Furies et de l’enfer païen comme des sorcières et des esprits au moyen âge : le point du jour les faisait fuir et troublait leurs opérations. Sous ce rapport, Virgile, Énéide, liv. vi., v. 739, et Claudien, Guerre contre Gildon, v. 348, ne parlent pas autrement que Shakspeare, Hamlet, acte i, et Goëthe, Faust, acte v. Voyez aussi Horace, liv. ii, sat. 9 ; et Properce, liv. iv., élég. 7, v. 89 :

 
Nocte vagæ ferimur : nox clausas liberat umbras,
Errat et abjecta Cerberus ipse sera.
Luce jubent leges Lethæa ad stagna reverti :
Nos vehimur : vectum nauta recenset opus.

Le soleil dore la cime de l’Œta. L’Œta était une montagne de Thessalie, entre le Pinde et le Parnasse, et célèbre dans la fable par la mort d’Hercule, et dans l’histoire par le détroit des Thermopyles. Comme elle s’étend jusqu’à la mer Égée, qui borne l’Europe à l’Orient, les poètes ont feint que le soleil et les étoiles se levaient à côté de cette montagne.

Gelida cana pruina (v. 139). Le mot cana exprime ordinairement la blancheur du givre et de la neige : mais il ne s’agit ici que de ce réseau brillant que la rosée laisse au matin sur la terre. On en trouve beaucoup d’exemples chez les poètes ; en voici un pris dans Virgile :

 
Luciferi primo cum sidere frigida rora
Carpamus, dum mane novum, dum gramina canent,
Et ros in tenera pecori gratissimus herba est.
(Georg., lib. iii, v. 324.)

Grege dimisso pabula carpit (v. 140). Dimittit gregem qui carpit pabula, dit Farnabius. C’est la véritable et la seule manière d’expliquer cette ellipse. On pourrait traduire aussi : « Le berger broute les prairies dans la personne de son troupeau. » Il ne peut y avoir équivoque sur le sens, et Gruter s’est trompé dans sa glose qui porte que le berger, après avoir lâché ses troupeaux